Le débat sur le franc CFA reste ouvert et entier sur le continent et celui de sa réforme se pose avec acuité. Il est autant économique et politique.
Invité de l’émission de grande écoute, « Le Débat Africain » sur RFI le mardi 03 décembre 2019, à l’occasion de la « Conférence internationale du Fonds Mondial International » à Dakar, le Président ivoirien Alassane Ouattara, est revenu sur la réforme monétaire du franc CFA, le fonctionnement de cette monnaie attachée à l’Euro.
Fidèle à sa position, Ouattara s’érige en” défenseur” de cette monnaie Ouest-africaine pour qui elle garantit une “parité fixe” dans son fonctionnement actuel, c’est-à-dire une monnaie arrimée à l’Euro.
« Le fait que nous sommes arrimés à l’Euro, si nous empruntons des euros, le moment de les rembourser dans cinq ou dix ans, le taux est fixe. Il n’y a pas de problème. Donc, c’est le même taux auquel nous remboursons. Et si nous avions une monnaie, les gens parlent de monnaie flexible, c’est très bien pour certains pays. Mais nous, nous avons une parité fixe. Je suis désolé de le dire, je suis ancien gouverneur de la Banque centrale et peut-être que je ne suis pas objectif. Si les pays de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) n’ont pas tellement de problèmes de dettes, c’est grâce à cette parité fixe », a laissé entendre Alassane Ouattara.
Selon Alassane Ouattara, une parité fixe permet d’assurer de rembourser une dette contractée avec un taux d’intérêt invariable, ce qui n’est pas le cas pour une monnaie dont la convertibilité est flexible. Quand on emprunte 10 000 francs CFA à un taux fixe de 10% pour 10 ans, on sait qu’on remboursera 20 000 francs CFA. Mais si le taux est flexible, on peut rembourser moins ou plus. Mais surtout, l’arrimage du franc CFA à l’Euro garantit au franc une très faible inflation, donc une faible augmentation des prix à la consommation.
Le maintien du lien entre le franc CFA et l’Euro qui conforte une position constante chez le Président ivoirien a permis aux pays de la zone UEMOA d’avoir des “succès économiques importants” grâce en partie à la stabilité de la monnaie.
S’agissant du débat sur le franc CFA, qui retient l’attention de plus d’un, il y a aujourd’hui deux positions qui se dessinent au sein des dirigeants des pays de la zone franc. L’une incarnée par Alassane Ouattara avec cet argument de parité fixe, gage de stabilité de la monnaie, qui opte juste pour un changement du nom CFA, pas son fonctionnement.
L’autre position est celle de ceux qui veulent, non seulement changer le nom de la monnaie, mais aussi couper le” cordon ombilical” qui relie le franc CFA à la France, à travers l’Euro aujourd’hui. Une position incarnée par le Nigeria (qui représente 75% du PIB de l’Afrique de l’Ouest).
L’actuel président du Bénin Patrice Talon se retrouve dans ce bloc. Lors d’une récente interview accordée à la radio mondiale, il a notamment parlé du rapatriement des réserves de change que les pays de la zone déposent sur un compte d’opération à la Banque de France, pour garantir la parité fixe avec l’Euro.
Pour le macro-économiste Togolais Kako Nubukpo, un débat doit être mené pour avancer une réforme du franc CFA, dont le système n’est plus adapté.
« Je crois qu’il faut se donner le temps d’avoir un débat sain, un débat dépassionné autour de la meilleure politique économique et ce faisant du type de régime de change idoine. Aujourd’hui, on parle de stabilité du franc CFA, mais c’est parce que nous sommes couverts par la stabilité de la zone Euro, c’est-à-dire que nous importons la bonne gouvernance au sein de la zone euro », a indiqué Prof Nubukpo.
Pour lui il n’est plus possible donc que sur les 50 prochaines années, nous continuons à sous-traiter les éléments de la souveraineté comme l’impératif de la bonne gouvernance.
« Je crois que nous sommes assez mûrs aujourd’hui pour aller vers un système de gestion monétaire qui puisse être en phase avec les performances du secteur économique réelles de nos économies », fait remarquer le macro-économiste.
Dans ces conditions, où la rupture d’un lien exclusif entre l’Euro et le franc CFA, reste encore un défi, l’on ne peut pas prédire le temps que durera l’agonie du franc CFA, qui va laisser la place à une nouvelle monnaie dénommée « l’éco ».
L’éco sera commun à tous les pays de la Communauté Économique des pays d’Afrique de l’Ouest, les huit qui utilisent aujourd’hui le franc CFA et les sept autres qui ont chacun leur propre monnaie.
Fabian A.